MON GARCON, DEJRAIS TE DIRE




Dans Mon garçon, dejrais te dire, Pascal Kretchner livre quelques-uns des symboles qui permettent d’accéder à sa petite enfance, en faisant notamment le portrait de ses parents et de ses grands-parents, Juifs d’origine russe, dont le côté fantasque le marque à jamais. Cette génération venue d’ailleurs obéit à des critères qu’il ignore. Ces particularités qu’il n’avait jamais évoquées sortent aujourd’hui de leur retraite, comme si elles n’étaient plus des souvenirs oubliés mais des sentiments frémissants.
Dans l’entre-deux-guerres, son père, en vrai iconoclaste, multiplie les activités. Après le Paris by night, il monte un spectacle au théâtre Lancry. Le théâtre, ça le connaît, il vit en représentation permanente. Puis viennent les années d’errance à travers la France, il n’y a plus de longs séjours au même endroit, l’ordre temporel s’en trouve bouleversé. La scolarité mise entre parenthèses semble n’avoir jamais existé. Une vie comprimée à l’intérieur d’une voiture, au parcours incertain.

Pascal Kretchner a douze ans lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale. Après la débâcle, la famille se réfugie en Corrèze. Arrachées au cauchemar de l’Occupation, des visions teintées d’humour parsèment cependant le récit. En 1955, il émigre en Israël, l’oubli solidement ancré dans la tête. Les kibboutzim et autres centres pour émigrants sont de merveilleux endroits où s’épanouissent les coeurs blessés. Les premiers mois ne seront pourtant pas faciles…


Extrait Long


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Extrait Court :

Monsieur Katzingold prétendait que Papa était un homme-orchestre à lui tout seul et que, selon sa formule, « travailler en solo, c'était son lot ». Il n'avait pas tort. Il fallait que Papa vende le monde, il fallait que l'on croie en lui, que les gens pensent qu'il était une sorte de génie omnipotent, dénué de la moindre imperfection. Il se prétendait capable de vendre des serpillières pour des foulards de soie. Son erreur avait été sûrement de commencer à le croire lui-même. 
Entendre critiquer notre père me déplaisait au plus haut point. Je pouvais au contraire chanter ses louanges jusqu'à en perdre la voix. Seulement, nul ne se souciait de mes opinions. Et par conséquent, personne ne voyait mon papa comme moi. Peu à peu, la famille avait fini par s'habituer à ses voyages, de telle sorte que, quand il revenait, il dérangeait un ordre où il n'avait plus sa place. 
Madame Katzingold partageait le point de vue de son mari. Elle ajoutait que Papa était d'un non-conformisme déroutant. Ça, c'était vrai, car il ne parlait aucune langue connue à la perfection, mais il les parlait toutes :le français avec un accent hongrois, l'anglais avec un accent allemand, truffé de phrases en yiddish. Il farcissait les autres de solécismes et d'inversions.
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